ROSE (Pépinière Th.)

Qu’est-ce que le théâtre sinon quelqu’un qui raconte une histoire ? Alors, lorsque l’ensemble d’un public subjugué écoute Judith Magre nous raconter durant une heure vingt l’histoire de Rose, on se dit que l’on est bien au cœur du théâtre. Car l’intérêt de ce spectacle va bien au delà de l’histoire d’une femme née en 1920 et dont la vie épouse 80 années d’histoire juive. C’est tout d’abord une belle histoire d’amour. C’est aussi une interprète qui nous donne avec une formidable sincérité toute une palette d’émotions. Alors, comme dans un miroir, chacun reconnait des sentiments, des révoltes et des désirs qui lui sont familiers. Un grand moment de théâtre.

Il y a des cadeaux qui ne se refusent pas. Le metteur en scène Thierry Harcourt en proposant à Judith Magre d’interpréter Rose vient de lui faire un cadeau somptueux. Rose est un monologue écrit par Martin Sherman, l’auteur de la célèbre pièce Bent sur la déportation des homosexuels. Rose a été créée en 2000 à Londres par Olympia Dukakis. C’est l’histoire d’une grand-mère ashkénaze, rescapée du ghetto de Varsovie, née en 1930 qui émigre aux Etats-Unis. Rose après la 2ème guerre mondiale tente d’entrer clandestinement en Palestine. Elle monte à bord du fameux Exodus, bateau qui n’aura jamais le droit d’accoster en Palestine, renvoyé en Allemagne par la marine britannique. Rose continuera sa vie aux Etats-Unis. On parcours ainsi un demi siècle de l’histoire juive jusqu’à la création d’Israël puis la guerre des Six Jours. Pendant une heure vingt, assise sur un banc en bois (celui qui sert pendant la période de deuil de Shiv’ha), Judith Magre nous embarque littéralement dans cette histoire à rebondissements. On est transporté. On boit ses paroles. L’écriture brute et sans concession de Martin Sherman évite l’écueil du pathos. L’humour juif est présent dans chacune de ses phrases. "Les juifs ne sont pas des visuels : regardez comment ils s’habillent !", "S’il y a un peuple qui n’est pas fait pour porter un maillot de bain, c’est bien le notre". Et ainsi de suite, les bons mots s’enchainent. Avec gourmandise Judith Magre joue avec eux, en maintenant le rythme de bout en bout. Le soir de la première (mardi 10 janvier 2012) Martin Sherman, plusieurs stars du cinéma et du théâtre (Fanny Ardant, Lambert Wilson et Charles Berling) et le public du Théâtre de la Pépinière se sont levés pour offrir une standing ovation à l’une des plus grandes comédienne du théâtre français. <b>Stéphane Capron</b>

La vie de Rose, une grand-mère juive qu'aucune tragédie n'a pu anéantir, s'inscrit dans l'histoire du XXe siècle : enfance dans un shtetl, pogrom, exil, ghetto de Varsovie, rêve d'Israël, puis déception, et enfin vie aux Etats-Unis. Le destin d'une vraie yiddish mamma. Martin Sherman, l'auteur, n'en tire pas un grand texte. Mais Judith Magre, en grande dame du théâtre, avec beaucoup d'élégance, sait faire résonner toutes les émotions de cette histoire tourmentée : du deuil à la rage de vivre, de la colère à l'humour qui permet de survivre. A aucun moment le pathos l'emporte sur l'énergie vitale. <b>Sylviane Bernard-Gresh</b>

Judith Magre porte de toute sa profondeur et de sa sensibilité rayonnante ce texte de Martin Sherman. L'histoire de cette femme qui traverse le XXe siècle et le monde, de la Russie aux États-Unis en passant par le Moyen-Orient, est d'autant plus touchante qu'elle est racontée sans excès de pathos. La pièce de Martin Sherman est traduite par Perrine Moran et Laurent Sillan. Thierry Harcourt signe une mise en scène précise. Il a pas mal coupé le texte, sans rien en perdre. Judith Magre, enveloppée des lumières de Jacques Rouveyrollis, subjugue. <b>Armelle Héliot</b>