Vincha, du texte et de la musique avant toute chose
Il a voyagé de l’Afrique à l’Amérique du Sud jusqu'à la Chine. Il a été professeur de français à La Serena, au Chili. Le rappeur Vincha, avec Hippocampe Fou et quelques autres, rend au rap à textes son lustre, vingt ans après Obsolète de MC Solaar. Son second album, Qui dit mieux ?, présente onze titres drôles, autobiographiques – et excellents.
Un nouveau genre musical est en voie d’apparition en France depuis cinq ans. Un rap léger, songeur, convenablement égocentré, autodérisoire et textuel. Son ancêtre s’appellerait MC Solaar, période Caroline. Avant que le genre ne s’égare dans la violence, la fascination des chaines en or gangsta et la facilité commerciale. Quelques noms pour ce renouveau ? Phases Cachées, Céo, Hippocampe Fou, Bigflo et Oli, Lucio Bukowski, Kacem Wapalek…Et aussi Vincha, membre à part entière de cette joyeuse famille depuis 2011.
Son second album, Qui dit mieux ?, le confirme, précédé du formidable Des étincelles, l’histoire très cool d’un jeune rappeur très cool sur un rythme très détendu… Dérision à tous les étages. Vincha préfère préciser : "Eh, ce personnage n’est pas moi ! Je suis plus bosseur ! Je suis même allé à Bali pour tourner le clip…" Dans le même goût, l’excellent Le Souague est un plaisant brûlot, en duo avec Hippocampe Fou : "Nous ironisons, Hippo et moi. Nous ne voulons pas revoir tous nos critères pour suivre la mode… Ma musique ne doit pas pouvoir être cataloguée."
Indiscutablement autobiographique, le titre 30 ans fascine, lui, par la fluidité de sa musique et la sincérité de ses mots. Cet album égotiste n’oublie cependant pas la vie de la cité, avec le cinglant Rêveur : "On me traite de naïf quand je parle politique, assène Vincha. Dans ce rap, le refrain, 'Tu n’es qu’un rêveur', arrive comme la voix du pragmatisme. La pire des choses."
Vincent Brion, futur Vincha, naît le 19 novembre 1983 à Fontainebleau et grandit à Cesson, près de Melun. "Ma mère m’a donné l’amour des mots, relate Vincent, car elle écoutait beaucoup de chansons : Brassens, Julien Clerc… Mon père, lui, c’était le côté purement musical : Dylan, James Taylor. J’ai appris le piano à partir de sept ans, mais j’ai laissé tomber à douze : trop rébarbatif, le classique. Surtout, je commençais à m’intéresser au rap."
Le rap prend le petit Vincent dans ses bras musclés à partir de 1996. "J’écoutais la radio Générations, sourit-il. J’enregistrais des K7 et les vendais… Le rap est LA musique de notre génération qui s’est souciée du texte." Il dévore Lunatic, La Cliqua et 2Bal 2Neg’. Ensuite, Vincent vit des vies parallèles : vacances sac au dos à travers le monde, rap, master d’histoire de l’Afrique sur l’Erythrée, rap, études de français langue étrangère – et rap.
En 2006, il rencontre son DJ, Son Of A Pitch, et le producteur Tom Fire. Maquettes, premières scènes, premiers EPs. Reconnaissance professionnelle en 2011-2012 grâce à l’étonnante chanson-rap Les p’tits seins : Paris Jeunes Talents, Bourges, premier Taratata… Le premier album de Vincha, Si si la famille, sort dans la foulée, en avril 2013.
Depuis, Vincha a beaucoup tourné et sorti Qui dit mieux ?, second album "plus testostéroné"… Il s’est aussi amusé, côté "yéyé 2.0", avec le groupe Jacques et Jacques, duo avec Laurent Lamarca, rencontré en 2014 à Astaffort : le festival de Francis Cabrel… De l’histoire de l’Erythrée à celle d’Astaffort, de La Cliqua à Des étincelles, Vincha brille de toutes ses facettes. Mais n’allez pas le confondre avec une boule disco : cela pourrait le fâcher.
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