"Comprendre. Comprendre sans juger. Telle fut l’obsession de Stefan Zweig. Et telle fut sa réussite, puisque, un siècle plus tard, on le lit davantage qu’en son temps.
L’histoire de 24 heures de la vie d’une femme aurait, chez un autre écrivain, offert l’occasion d’une leçon édifiante sur les méfaits de la passion. Rien de tel ici. Comme un chien renifleur, la truffe au sol, Zweig piste la naissance du désir, le chemin du sentiment, ses pièges, ses fausses pistes, ses leurres, sans relever la tête pour aboyer, critiquer ou condamner. Il explore la complexité de nos âmes en y adhérant, jamais guetté par le souci suspect de nous simplifier.
L’héroïne, belle, veuve et déprimée, traîne son ennui de palace en casino, recherchant l’excitation des autres pour ne pas avoir l’impression d’être morte. Soudain, à Monaco, elle tombe amoureuse de deux mains, deux mains fines, puissantes, expressives, tendues, nerveuses, celles d’un jeune homme qui perd à la roulette. S’ensuit une incroyable odyssée : en vingt-quatre heures, elle devient une autre femme que celle qu’elle fut pendant quarante ans. Elle se surprend, et nous surprend, à chaque seconde…
Chez Zweig, ami de Freud, il n’y a pas que la volonté de comprendre, il y a aussi celle de guérir. Seulement guérir de quoi… Guérir de la passion ? Non, guérir de l’idée sinistre qu’on pourrait vivre sans passion. Il amène l’humain à accepter ses labyrinthes plutôt qu’à les fuir.
Pour adapter cette nouvelle à la scène, j’ai gardé l’idée de la confession provoquant un choc brusque : simplement, le public remplace le narrateur. J’ai aussi conservé l’idée d’un récit entièrement subjectif : la femme fait parler l’homme qu’elle aime, l’investit de ses fantasmes ; ainsi la comédienne aura-t-elle devant elle un corps expressif et silencieux, le corps d’un danseur, dont elle jouera les répliques supposées jusqu’au moment fatal où l’on entendra sa vraie voix, la voix de la réalité contre celle du rêve…
Et j’ai surtout tenté de montrer la modernité salvatrice de Zweig, sa lutte contre toute pensée étriquée, sa force solaire, son audace, que lui-même cache parfois sous la voilette passéiste de la nostalgie heureuse."
Éric-Emmanuel Schmitt
24h de la vie d'une femme par Steve Suissa et Eric-Emmanuel Schmitt
Le récit de Stefan Zweig a beau avoir été écrit il y a déjà 90 ans, cet auteur suscite toujours autant l'admiration et l'inspiration. Sur les planches du Théâtre Rive Gauche, c'est Clémentine Célarié qui prend le rôle-titre de cette pièce audacieuse pour l'époque qui ne cesse de surprendre encore à l'heure actuelle.
L'adaptation a été faite par Eric-Emmanuel Schmitt, passionné par les récits de Zweig. En effet, Le Joueur d’échecs actuellement à l’affiche au Théâtre Rive gauche avec Francis Huster est également une adaptation de l’auteur.
A la mise en scène, on retrouve Steve Suissa. Depuis quelques années Eric-Emmanuel Schmitt et lui travaillent de concert pour offrir au public des pièces de théâtre de qualité : Le Journal d’Anne Franck en 2012 ; L’Affrontement en 2013 avec Francis Huster et Davy Sardou ; et en 2014, La Trahison d’Einstein, Si on recommençait ; Georges et Georges. En 2015, le duo est également aux manettes d’ Hibernatus, une pièce de théâtre avec Jean-Luc Reichmann et Ingrid Chauvin au Théâtre la Michodière.
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